mardi 21 décembre 2010

Inside Job : nous sommes dirigés par des ados LOL

Witold Gombrowicz disait qu'une des particularités de la modernité résidait dans l'infantilisation des peuples. Après quatre ans à faire du "journalisme financier", dont deux à la City, j'en ai ma claque des discours culpabilisants "si vous détruisez le système, vous détruisez des emplois" ou faussement arrangeants genre "on peut l'améliorer le système" (le rendre moins pire, dans la dernière version).

Il y a eu plusieurs ouvrages de dénonciation sur les vices et versa du Système, mais le documentaire Inside Job, qui s'appuie sur les travaux de l'économiste Raghuram G. Rajan a le mérite de faire assimiler quelques petites choses, même s'il n'évite pas la caricature et les simplifications, même à une salle de retraités dans un MK2 un lundi soir.

Je crois que le but avoué de ce documentaire était de mettre le spectateur en colère. Oh ben, ça a pas loupé : les copains goguenards, qui sortent en couples et font des blagounettes à tout bout de champ, ils étaient fâchés cramoisis ça tonitruait fallait voir, à la sortie. La femme enceinte du rang de devant a failli se démonter la tête à force de la secouer en signe d'incrédulité. Et la petite Yvette et son mari, ils étaient navrés navrés qu'on a crû qu'ils allaient se mettre à pleurer ou à fabriquer une bombe ou les deux.



Dans Inside Job, on a droit aux confessions de DSK... "J'étais à un dîner avec toutes les huiles de la finance mondiale..." et là, il balance : les mêmes qui luttaient contre la régulation des marchés insistent auprès des responsables politiques : "Nous sommes trop gourmands. Fixez-nous des limites". Au journaliste étonné, DSK répond : "A ce moment-là, ils avaient peur".

De mon époque londonienne, je me souviens particulièrement d'un discours de Mervyn King, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, qui accusait les marchés d'hubris, de démesure coupable, parce qu'irrationnelle et dangereuse. C'est exactement ce qui s'exhale du film documentaire de Charles Ferguson (qui ne sort pas de nulle part non plus, dans le genre consultant grassement rémunéré, avec un mocassin dans chaque ministère sensible) : les financiers sont tels des adolescents en proie à leurs pulsions, qui gouverneraient le monde et, ayant merdé dans les grandes largeurs, demandent finalement aux parents de les sortir du mauvais pas dans lequel ils se sont mis.

(Dans la même veine : How I caused the credit crunch. Et puisqu'on est dans la critique économique, jetez donc un oeil à l'Argent Dette de Paul Grignon, dessin animé fort instructif.)



En attendant, rassurons-nous, rien ne change : on continue de spéculer amplement sur les matières premières au risque d'affamer les pays producteurs eux-mêmes, certains font leur beurre de la crise de la dette européenne et les hedge funds pourraient passer entre les mailles de la surveillance bancaire outre-Atlantique... Enfin, ce chiffre intéressant, extrait d'une étude du CCFD : "plus de 125 milliards d’euros manquent dans les caisses des États du Sud du fait de la seule évasion fiscale des multinationales, soit cinq fois la somme nécessaire pour éradiquer la faim dans le monde, selon la FAO".

Joyeux Noyel !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ma réaction immédiate à cet excellent post a été de prendre ]la direction du ciné dès la sortie du travail. Merci! J'ai adoré. Ma pote aussi.