lundi 23 octobre 2006

Effets de manchots

"J'ai pas encore lu Proust alors je vois pas pourquoi je lirais Truc ou Machin parce que ça sort à la rentrée." Je ne sais plus où j'ai entendu cette phrase mais quand j'ai su qu'elle était de Jonathan Littell, l'auteur des Bienveillantes dont tout le monde littéraire parle comme du poulain sur lequel accrocher les prix de la saison 2006, j'ai fait ma petite enquête. Le résultat donne presque envie de laisser tomber Proust et de courir acheter "le" roman de la rentrée.
Dans le désordre, ce blondinet peu médiatique est capable de : ruer dans les brancards du germanopratisme (son éditeur n'exclut pas qu'il refuse de venir chercher son prix, même si c'est le Goncourt), assumer de ne pas plaire (il était réputé pour son comportement franc-tireur dans les organisations humanitaires où il a bourlingué pendant plusieurs années), ressuciter la polémique du droit à la fiction sur la Shoah (il est d'origine juive polonaise), écrire 900 pages en français et se farcir ensuite la traduction en anglais, pousser le Nouvel Obs à faire l'éloge d'un intello ricain...

Premier roman, premier carton. De quoi réveiller l'acné de moulte narcisses scribouillards, pour sûr. Chacun ses mauvais goûts mais entre Houellebecq et Nothomb, de Flore en Interallié, ça sent les vieilles habitudes. Le "ma vie, mon oeuvre". Moi et mon surmoi. Armée de miroirs de poche ; Anna Gavalda a peu de mal à briller auprès du grand public grâce à eux. C'est écrit avec les pieds mais ça marche dans le bon sens au moins. C'est de la littérature qui s'intéresse au lecteur, qui fait dans "l'utile et l'agréable", qui panse les blessures culturelles des générations Game Boy.

Après, si on est cohérent, on reprend son Proust, au premier tome, aux premières pages... qui sont tellement merveilleuses qu'on ose à peine les dépasser et qu'on relit une fois par an, entre deux résolutions de ne plus lire les "romans de la rentrée".

Un dont les feuilles valent de l'or, c'est le platane de Port-Royal... et la mobilisation des habitants du quartier, voisins de la Closerie des Lilas, à lire dans Le Monde du week-end. Une bataille qui a pour toile de fond les élections municipales de 2008. D'où la conclusion téléphonée de Lyne Cohen-Solal : "quand une fleur pousse dans mon jardin, c'est un fait politique". Et une pierre dans le jardin de Delanoë ? "L'Hôtel de Ville a en effet donné "interdiction" à ses services de "communiquer sur ce platane" précise malicieusement l'article. Il y a quand même des sujets graves...

2 commentaires:

La Thilde a dit…

PARIS, 26 oct 2006 (AFP) - Le Grand prix du roman de l'Académie française, qui ouvre la saison des prix littéraire, a été attribué jeudi à l'Américain Jonathan Littell pour "Les Bienveillantes" (Gallimard), a annoncé l'institution.

C'est parti...

La Thilde a dit…

Ah, ça c'est marrant :
http://www.lefigaro.fr/culture/20061030.WWW000000416_tempete_sur_le_jury_femina_.html